La reconnaissance du vote blanc n’est souvent envisagée qu’en contrepartie du vote obligatoire. On peut évidemment comprendre la tentation du politique de lutter contre les records d’abstention qui fragilisent sa légitimité en obligeant les électeurs à se rendre aux urnes. C’est une vérité que Monsieur de La Palice lui-même ne pourrait  d’ailleurs contester. Pour lutter contre l’abstention, il suffirait de rendre le vote obligatoire. On appelle cela enfoncer une porte ouverte. Mais derrière l’évidence d’une telle révélation se cachent de nombreux pièges qui auront certainement échappé aux partisans du vote obligatoire. 

Je rappelle tout d’abord que le vote obligatoire ne résout en rien les causes de l’abstentionnisme. Il ne fait que répondre à ses conséquences sans se soucier des raisons profondes qui ont poussé l’électeur à bouder le scrutin. Il me fait ainsi penser à un dentiste qui, plutôt que de soigner la carie qui ronge son patient, se contente de lui administrer une bonne dose de paracétamol pour faire passer la douleur. C’est ça le vote obligatoire. Un cautère sur une jambe de bois qui évite soigneusement de prendre le mal à la racine. 

Pour faire passer la pilule de l’obligation de voter, la prise en compte du vote blanc est donc présentée comme une compensation vertueuse, un peu comme on donnerait un jus de fruits à un enfant malade pour lui faire passer le mauvais goût de son médicament. Dès lors que l’électeur aurait la possibilité de refuser les candidats en votant blanc, il n’y aurait plus rien de gênant à rendre le vote obligatoire. Mais les apparences sont souvent trompeuses. Vote obligatoire et vote blanc ne sont pas complémentaires ; ils sont contradictoires. Partant en effet du principe qu’au vote obligatoire corresponde une sanction financière (qui pénaliserait davantage certains électeurs que d’autres), le vote blanc deviendra une sorte de refuge électoral destiné uniquement à éviter de payer l’amende prévue par la loi. Impossible alors de distinguer le vote de conviction, éclairé et exigeant, du vote poubelle motivé uniquement par la peur du gendarme. Le vote obligatoire aura pour effet de transformer un message politique clair en une banale corvée administrative. Le vote blanc, lui, perdra tout son sens et toute la force d’une contestation constructive et volontaire.

Il conduirait par ailleurs à ce que le seuil fatidique de 50% synonyme d’invalidation soit plus facilement atteint. Si l’on se réfère en effet à cette étude de l’Ifop, plus d’un tiers des électeurs de Jean-Luc Mélenchon et de Marine Le Pen aurait préféré voter ‘’blanc’’ en 2017 si celui-ci avait été intégré aux résultats. A ces électeurs insatisfaits, il convient d’ajouter la part non-négligeable d’abstentionnistes qui voteraient ‘’blancs’’, que ce soit par conviction ou simplement pour éviter de payer une amende de trop. Le vote obligatoire risque donc de provoquer mathématiquement une vague ‘’blanche’’, certes hétérogène mais potentiellement majoritaire. Je doute que ce soit le but recherché par le législateur…

Si l’intention du vote obligatoire est de lutter contre l’abstention qui ruine la légitimité comptable des élus, contraindre les électeurs à voter avec un pistolet sur la tempe s’avérerait en revanche totalement contre-productif. La reconnaissance du vote blanc se pose donc comme une solution nécessaire et suffisante. Inutile d’imposer quoi que ce soit pour que l’électeur retrouve le chemin des isoloirs. Il suffit de lui garantir que sa voix comptera. Une telle évidence, La Palice en aurait dit autant !

Plutôt que d’obliger un peu plus les électeurs, nous pourrions envisager, pour une fois, d’obliger les élus à respecter la fonction pour laquelle nous les avons désigné. Je pense en premier lieu à l’absentéisme récurrent des parlementaires qui ne mettent jamais – ou si peu – les pieds au Parlement. Je pense également aux 33.166 élus qui ont délibérément refusé d’accorder un parrainage en 2017. Est-ce cela l’exemplarité ? Peut-être pourrions-nous imposer aux élus de parrainer un candidat, quel qu’il soit. 

Par ailleurs, la tradition historique de notre démocratie définit le vote comme un acte volontaire et facultatif. En cherchant à transférer la responsabilité de l’abstention sur les électeurs, le vote obligatoire désigne le citoyen comme seul coupable de la désaffection des urnes. C’est oublier un peu trop vite la responsabilité du politique à ne pas savoir se renouveler, à son incapacité à respecter sa parole et à proposer des solutions en lien avec les attentes réelles des électeurs. C’est tellement plus simple. Le droit de vote est, et doit donc rester, le droit de ne pas voter. Faire renaître la participation plutôt que l’imposer constitue un défi politiquement plus ambitieux et intellectuellement plus satisfaisant.

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